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Par Capucine Michelet - Le 23 février 2017

Major de sa promotion à l’école Icart, le jeune photographe frenchy Charles Roux a décidé de mettre en image les festins les plus célèbres de la littérature dans une série intitulée “Fictitious Feasts” (festins fictifs). Il nous convie pour casser la croûte avec Boucle d’or et les trois ours, à l’heure du thé pour savourer la petite madeleine de Proust et nous donne à voir ce que notre imagination mettait en image au fil des pages. Des récits épiques de James Joyce, en passant par les vers de Victor Hugo, et dans l’univers féerique des contes des frères Grimm, c’est l’heure de passer à table !

Le déclic

Bien qu’il donne déjà dans le coup de pinceau et le coup de crayon, Charles Roux ne prend l’appareil en main qu’assez tard, à l’âge de dix-sept ans, soit juste un an avant de débuter sa formation. Avec la photo, il a une nouvelle corde à son arc pour exprimer sa créativité. Dans cette pratique, il en aime sa dualité : à la fois du créatif et du technique, de l’artistique et du professionnelle. La spécificité de ce medium, selon moi,  (par rapport à la peinture par exemple) est d’utiliser non pas la lumière, comme son étymologie l’indique, mais le réel. La matière première est ce qui nous entoure. Et j’aime cette idée”, nous dit-il. Le jeune premier est encore sur les bancs de la fac car il aime ce cadre structurant qui lui permet également de travailler en parallèle. 

Après un bac littéraire spécialisé en Cinéma Audiovisuel, il entre dans une école de photo à Paris (Icart), dont il sort diplômé en 2014, major de promo et “major book” (meilleur book de fin d’études, qui est alors le début de sa série “Fictitious Feasts”). Au milieu de cette formation de photo, il s’inscrit en parallèle en études par correspondance, en LLCE Anglais et LLCE Espagnol. Il mène donc de front trois cursus à la fois, “autant par goût pour les langues et l’histoire, que par défi personnel”. Pour lui, “les diplômes n’ont aucun intérêt”.  Plus qu’une activité récréative, expressive ou professionnelle, Charles considère la photo comme un acte thérapeutique. “On vit mieux le monde en le transformant de manière créative, en l’abordant et l’apprivoisant, faisant communiquer le monde extérieur réel et son monde intérieur, personnel et émotionnel.” 

De la page au papier glacé

J’entretiens des rapports très complices avec la littérature […]  La littérature tient autant de l’évasion que de la construction. Lire libère et édifie”. C’est de cette appétence pour la littérature, qu’il décide de dresser les tablées des ouvrages les plus mythiques. Le choix d’une photographie de nature morte donc, qui lui permet de se concentrer sur ses penchants favoris en photographie : la composition, la lumière et l’ambiance, avant tout. Bien qu’ils ne soient pas dans le champ, les personnages en disent beaucoup sur eux-mêmes dans leurs manières de prendre part aux rituels gustatifs ! Le photographe s’est surtout inspiré des mastodontes de la littérature : Moby Dick, Les Misérables, Ulysses, À la recherche du temps perdu… pour que les spectateurs s’identifient rapidement, mais n’a pas hésité à se pencher sur le cas de romans plus populaires : Le Journal de Bridget Jones, Narnia, Carrie…. 

Quand on lui demande quelle mise en scène l’a le plus marqué, Charles Roux prend l’exemple du célèbre roman d’Hervé Bazin Vipère au poing  : “Pour cette photo, j’avais déjà tout en tête. Je me suis intéressé à un passage dans lequel le héros décrit sa mère, qu’il appelle Folcoche, qui plante une fourchette dans sa main car elle est mécontente de son comportement à table. Le sang sur la fourchette est décrit avec une vivacité telle que j’ai voulu pousser le souci du détail jusqu’à utiliser du vrai sang (le mien). Les descriptions ne sont pas très riches dans le roman, mais j’ai imaginé des détails et symboles supplémentaires, avec les couleurs, un vase abimé, dont les dorures rondes répètent la rondeur du pied de la table, qui m’évoquait un serpent enroulé autour d’un bâton, des fleurs fanées, qui sont autant le signe d’un amour maternel défaillant qu’une décoration convenue”.

Le sens du détail

Pour ses réalisations, Charles Roux potasse d’abord le livre dans son intégralité, passe au peigne fin l’ambiance et les symboliques. Ensuite, il jette son dévolu sur un passage, en suivant chaque détail décrit pour le respecter. “Certains livres riches en description ont été plus faciles à imaginer, mais j’ai eu plus de plaisir à travailler sur des ouvrages pauvres en description, qui me laissaient plus libres”Les mises en scène, ils les étudient sous tous les angles et rien n’est laissé au hasard sans jamais utiliser deux fois la même fourchette, le même plat, le même endroit. “Il y a sans doute des défauts, des anachronismes, et certains sont voulus, mais c’est parce que c’est avant tout la vision très personnelle du lecteur que je suis !”

Le photographe exposera cette série à l’occasion de plusieurs expositions en cours de finalisation. Il est également à la recherche d’un éditeur pour publier son livre photo regroupant la série. Affaire à suivre…

Légendes photos dans l’ordre d’apparition (de gauche à droite : Les Misérables, Victor Hugo; À la recherche du Temps Perdu, Marcel Proust; Le Petit Chaperon Rouge, Charles Perrault; On the Road, Jack Kerouac; Vipère au poing, Hervé Bazin; Mody Dick, Herman Melville). 

Crédit photos : © Charles ROUX. Retrouvez-le également sur Instagram : @roux_charles

DÉCOUVREZ L’INTÉGRALITÉ DE LA SÉRIE !