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Par Les Petits Frenchies - Le 9 octobre 2013

Conversation avec Nans et Mouts, ces deux baroudeurs qui partent nus et sans argent dans Nus et Culottés.

Bonjour Nans et Mouts !

– D’où vous est venue l’idée de voyager ?

Mouts : On voulait partir tout nu, pour se retrouver -on venait de voyager tous les deux pendant deux ans- on souhaitait voyager ensemble et de manière plus poussée par rapport à ce qu’on avait déjà fait. Un jour, on est parti de la Drome avec l’idée d’arriver à Paris en décapotable rouge et de sortir en boite en costard : l’idée était de prendre les deux extrêmes, l’homme sauvage et l’homme moderne. Apres ça on s’est dit “Et si on en refaisait ?”.  Au début, c’était juste pour rire. 

Nans : L’ordre ça a été : j’ai des envies de vie sauvage et de vagabondage. C’est tellement fort que je ne peux plus le retenir. Tout le monde autour de moi me prend pour un extra terrestre. J’avais pas mal l’impression que les gens ne me comprenaient pas toujours par rapport à ma démarche. On s’est trouvé et tous les deux, on s’est entrainé, on avait cet élan de vouloir partir, on avait ça dans les tripes. Ma mère m’a dit “Si tu es chez les flics ou à l’hôpital psy j’irai te chercher”. Mouts n’en avait pas parlé à ses parents…

Mouts : Heureusement qu’on a été deux, on s’est aidé, soutenu. Déjà quand on voyageait séparément on s’envoyait beaucoup de nouvelles pour raconter ce qu’il nous arrivait. 

Nans : Mes parents m’ont dit “tant que tu fais quelque chose qui te plait, on est content”.

– Que vous évoque le mot “entreprendre” ?

Nans : Entreprendre, moi ça me fait penser à prendre entre ce qui existe déjà et faire ressortir quelque chose de nouveau, se frayer un nouveau chemin. Pour Nus et Culottés ça a été exactement ça : ce type d’émission existait (Man vs Wild, J’irai dormir chez vous, Les nouveaux explorateurs, Rendez-vous en Terre Inconnue) mais il y avait un chemin qui n’avait pas encore été pris. Le fait d’être entièrement dans l’inconnu nous plaisait…en général il y a plus ou moins une trame. Et rien que le fait d’avoir de l’argent, tu sais qu’à n’importe quel moment tu peux aller autre part. Nous, au moment où on part on ne sait absolument pas ce qui ça va se passer et on s’en remet complètement à l’inconnu et au voyage.

– Comment choisissez-vous votre endroit, le point de départ ?

Mouts : On vise une région dans laquelle on a envie de partir parce qu’on ne la connait pas, que la culture est chouette et que géographiquement ça peut être un point joli. On essaye de faire par rapport à notre but que l’on veut atteindre et donc trouver un point qui nous parle. Quelqu’un nous dépose, on lui file nos fringues, et c’est parti.

Nans : La seule partie qui est “scénarisée” c’est le départ, l’endroit d’où l’on part. On sait d’où on part mais on ne sait jamais où on arrive. Tout à l’heure par exemple, on nous demandait ce qu’on voulait faire, on s’est fixé comme but de faire rire les gens dans le métro. On y est allé, on a rigolé mais personne n’a rigolé. Et on s’est posé la question : on se fixe un objectif mais finalement c’est quoi de réussir l’objectif ? C’est absolument “checker” ce que tu t’es mis dans la tête ou alors c’est voir l’endroit où ça t’emmène ? Une nouvelle destination se dessine et est-ce que tu es capable de la voir et de lâcher prise par rapport à ce que tu avais prévu pour accueillir quelque chose de nouveau ?

Mouts : En fait, c’est assez difficile d’osciller entre le “je m’accroche à mon objectif” et en même temps “je suis ouvert à autre chose”. Si on n’a pas cette tension vers un objectif, cette concentration là, c’est compliqué d’arriver quelque part. 

Nans : Pour moi, c’est la qualité à la fois la plus difficile mais en même temps la plus essentielle. Quand on se lance dans un projet, il faut rester fixé sur un objectif pour être assez solide mais en même temps avoir une immense souplesse. Si quelqu’un toque à ma porte et me propose quelque chose, je dois être ouvert même s’il me dévie au premier abord de mon chemin.  

Mouts : En même temps, le contraire d’avoir un but c’est d’être dans l’errance. On a pu voir que les petits moment où on se laisse aller à l’errance, c’est là où on découvre un endroit magnifique qui fait ressortir les choses.

– Le fait de s’ennuyer et de ne pas avoir de but peut créer une frustration, du coup notre esprit est plus dispo à créer ?

Nans : En effet, je pense que certains des plus grands projets trouvent leur énergie dans la peur de l’ennui. 

Mouts : Justement je lisais dernièrement un livre où l’auteur parle “d’une sècheresse spirituelle”. On n’a plus de religion, on est en quête mais on ne se donne pas le temps d’aller dans cette errance et de trouver ces réponses. 

J’ai moins peur de me confronter à l’ennui car je sais que quelque chose va en sortir en fait…

Mouts : Est-ce que vous le faites ?

– C’est dur…

Mouts : C’est dur d’accueillir l’ennui. Je pense que l’énergie que j’ai pu avoir en Islande a du venir du fait que je me sois forcé à me confronter à l’ennui quelque temps avant ce voyage. Je me demandais “c’est quoi le sens de tout ça ?” Il faisait -7° et dépasser ça et se dire “je suis là, j’y vais maintenant”, bim ça me reconnectait à une énergie profonde. 

– On est tout de même de moins en moins confronté à cet ennui, ou à cette solitude qu’on pourrait avoir de plus en plus de mal à accepter. On est tout le temps sollicité, dans le métro, en allumant la radio, tv..

Nans : La solitude…ce qui me donne envie de me lancer dans un projet c’est le fait d’être relié à mes contemporains. Je vais avoir peur de me marginaliser, de me retrouver seul. Je veux rester dans ce monde là et garder un pied dans le concret. Du coup : qu’est-ce qui me motive avec Nus et culottés ? Notre motivation a beaucoup évolué. Au début c’était plus le partage des idées, le vagabondage, la sobriété heureuse… et au fur et à mesure je me suis rendu compte que ça tenait à la reconnaissance et le fait d’avoir sa place aux yeux des autres.

– Qu’est ce qui est le plus important quand on voyage ou lorsqu’on monte un projet à deux ?

Mouts : Ce qui est beaucoup ressorti de ces voyages, c’est la justesse et la clarté dans la communication, entre nous. C’est fou l’évolution qu’il y a eu. Devant tout, il y a un croisement, une route à droite, une route à gauche. Il y en a un qui veut aller à gauche, l’autre qui veut aller à droite. Apprendre à demander à l’autre si tout va bien, de quoi il a envie.. Et le fait de poser la question à l’autre demande déjà d’être clair avec soi-même. J’avais du mal à rapidement savoir ce que je voulais. C’était un gros travail pour moi de me demander “Ok, de quoi j’ai envie aujourd’hui ?”. J’ai du développer cette écoute là : elle permet de poser les choses, d’être sûr de soi et ensuite d’être beaucoup plus capable de communiquer simplement. Si on est dans le doute quand on demande à des gens de dormir chez eux, alors ils douteront à leur tour… 

Nans : En effet, pas seulement dans les voyages ou l’entrepreneuriat mais aussi dans la vie en général, le fait d’être solidement installé dans nos besoins est très important, ainsi que d’être assez souple dans les stratégies. Les conflits entre nous arrivaient souvent quand on était attaché à une stratégie mais en étant fébrile sur le besoin. 

Mouts : Quand il me disait “On fait ci”, parfois on avait du mal à se comprendre. En fait c’est parce qu’il avait un besoin que je ne comprenais pas forcément.  Dernière ce “on fait ci”, en réalité il y a un « J’ai froid, j’ai faim, j’ai peur » et au bout d’un moment, c’est plus pertinent de réussir à dire « j’ai besoin de toi ». Mais, c’est un vrai travail.

Nans : Sans ce travail là d’humilité, on est très faux. 

– Et dans cette expérience justement, comment parlez-vous l’un de l’autre ? Qu’est ce qui en ressort ? Quand on voyage avec quelqu’un, on voit les gens différemment non ?

Mouts (après avoir bien ri et réflechi) : Pour parler de Nans, il faudrait que vous voyez quand je m’énerve, quand je suis mal à l’aise. Pour donner un exemple concret, il m’a fallu longtemps pour comprendre et accepter la façon dont Nans avait de manger des yaourts. Explication : il y a le yaourt blanc classique et puis le pot de confiture. Il met une cuillère de confiture, il mélange. Il en remet, il mange, il en reprend, il en remet. Il ne reste plus de confiture, il est ravi, il a bien mangé. Alors que moi dans mon éducation, on prenait une cuillère et pas plus, on remuait et quand ça donnait une couleur rosée, c’est que c’était bon. Cette petite anecdote représente bien notre rapport l’un à l’autre, au plaisir, aux règles. Et c’est sur ce type de détail qu’on a pu se prendre la tête mais aussi mieux se comprendre. 

– Ca veut dire que Nans est plus culotté ?

Nans : Oui, mais on l’est tous les deux à notre manière. Grosso modo, on va dire que Mouts, c’est le nu et moi le culotté. Mais quand on creuse un peu plus en profondeur, on se rend compte qu’on a les deux parties l’un et l’autre..

Pour parler de Mouts, je dirai que c’est quelqu’un qui a une capacité incroyable à se mettre nu et à aimer ça (pas nu physiquement ! ) mais à se montrer vulnérable et à le faire en gardant la tête haute. Je connais très peu de personnes qui ont cette capacité à être si humble et honnête. C’est très inspirant et j’apprends beaucoup de lui. Car je suis quelqu’un qui aimait bien se montrer du côté brillant, positif mais qui avait une peur terrible de montrer mon côté négatif. J’avais peur que les gens me jugent…Mais je me suis rendu compte que je me jugeais moi-même et qu’il y avait beaucoup de parties de moi que je n’aimais pas et le fait de les montrer au grand jour c’était une manière de les activer… En présence de Mouts, c’était une invitation à aimer ce qui est enfoui, pas clair et d’être plus doux avec soi-même. Et une dernière chose : son côté caméléon, mais au sens vertueux du terme. Au début, c’était quelque chose que je ne supportais pas chez lui, surtout quand c’était pas rapport à moi. Je faisais quelque chose et j’avais l’impression que quelqu’un me copiait en permanence et que ça effaçait les singularités de chacun. J’étais gêné… Et en fait j’ai mis longtemps à comprendre que c’était sa manière à lui de comprendre les autres, à s’adapter en observant et en faisant du mimétisme.  Je réalise combien j’ai besoin d’apprendre continuellement et ne jamais rester dans mes certitudes…

Mouts : Le chemin qu’on a parcouru…

– Le DVD de la saison 2 est enfin sorti. Mais y aura-t-il une troisième saison ? 

Mouts : Pour le moment non car on a besoin de se poser…J’ai cette image de la bouteille d’Orangina qu’on secoue. J’ai besoin de faire le tri dans ma vie : il y a des trucs que je garde par habitude, par attachement. Mais je ne veux pas faire  d’amalgame entre jeter quelque chose car la période est révolue et parce qu’il est temps de passer à autre chose, et jeter en étant presque en guerre. Je veux apprendre à aimer : tu es comme ça et je t’accepte comme tu es. Un truc que j’ai énormément appris avec Nans : on a besoin de s’aimer soi, l’un et l’autre. Pour moi, c’est très lié à la créativité : pour être créatif c’est plus facile quand on est bien, quand on est à l’aise. 

Nans : C’est drôle de voir comment avec nos propres colères, on peut apprendre à se connaitre et mieux connaitre l’autre. 

– Qu’est ce que vous avez appris sur les Français ? Est-ce qu’il y a des grandes différences entre les étrangers et les Français ou entre les Français eux-mêmes ?

Nans : Le premier truc qui me vient ce sont les points communs. Au début on était très focalisé sur les différences : en Amérique Centrale les gens étaient plus ceci, plus cela… En fait en voyageant en France on s’est rendu compte qu’on avait de gros points communs entre les cultures qui sont a priori très différentes. Ces points communs sont très liés au voyages : l’hospitalité, on a vu qu’elle était là en France. Parfois enfouie sous quelques couvertures de peur, mais quand on dépoussiérait tout ça, il y avait beaucoup de choses. Une fois qu’on passait le pas de leur portes, on était comme leur famille.  J’ai aussi vu le même besoin d’aimer et d’être aimé. Les gens sont toujours très heureux de nous aider, de nous héberger, nous nourrir. Ils se sentent utiles, on discute, on se confie. Il y a beaucoup d’émotion de leur part d’avoir une oreille attentive en face d’eux. Ils se sentaient reconnus. 

– Sur quoi se confient-ils en général ?

MoutsSur leurs difficultés. Il y a une forme de misère affective : on se méfie de beaucoup choses dans nos vies, on n’a pas forcément confiance en nos voisins ou même nos amis, beaucoup de gens ont besoin de vider leur sac, raconter leurs épreuves. Très peu de gens se livrent sur les grandes joies de leur vie, car c’est culturellement accepté. 

– Vous ne les connaissez pas pourtant..

MoutsEn même temps je pense qu’il y a ce truc tacite entre nous tous où on sait qu’on se comprend quelque part. On peut tous gouter aux drames des autres.

– Et le fait que vous soyez là pour une nuit ou deux, …

MoutsIl n’y a pas d’engagement, en effet.

Nans : C’est “la rencontre du train” : quelqu’un que tu ne vas jamais revoir, tu te permets plus de choses qu’avec ta famille même ou tes amis. Les gens sont frais, l’intérêt de la rencontre est tellement grand… 

Mouts : J’ai une question pour les entrepreneurs. Quelle est la part du cheminement thérapeutique des gens qui entreprennent ? Font-ils cette démarche pour se soigner, se prouver des choses…? Je leur pose cette question car pour moi tout ce processus de voyage et Nus et Culottés est très thérapeutique. Trouver la voie d’être à l’aise chez moi, trouver le courage de connaitre mes vrais besoins…Plus tu te libères, plus tu oses…

– Vous sentez-vous bien si vous ne voyagez pas et/ou sans avoir de voyages prévu ?

Mouts : L’envie de voyager est arrivée assez tard. J’ai vu une conférence qui m’a retourné la tête. J’ai voyagé avec des amis, à vélo, j’ai découvert le stop avec Nans etc… Et à partir de là : grosse contagion. Ce n’était pas envisageable de se sédentariser, je suis parti à l’étranger. Et là ça fait quelques semaines que j’ai envie de me poser. Je sens des envies de voyages qui montent, ça me chatouille. En ce moment j’ai envie d’apprendre à être en paix, de me poser et de pas aller chercher l’excitation du voyage. 

Nans : Pour ma part le voyage c’est découvrir, apprendre. Découvrir, c’est enlever des couches, c’est d’ailleurs pour ça qu’on part tout nu. Mais apprendre, je peux aussi le faire dans une vie sédentaire, on peut voyager partout en soit.  Il y a deux éléments qui font qu’une vie ne me manque pas : quand dans une vie sédentaire je sens que je suis en train d’apprendre quelque chose de nouveau et quand je me sens aimé. Je cherche un accueil, une chaleur, de l’amour. Tu donnes, tu reçois, tu partages. Quand je ressens ça avec les gens autour de moi, ça m’apaise et l’envie de partir s’évapore.

Mouts : Ce qui permet de rester dans cet état d’esprit de voyage, c’est de mettre en place des rituels très pratiques. Prendre le temps le matin, faire un check-up de comment je me sens, de quoi j’ai besoin, …de pouvoir toucher le besoin. Ensuite il n’y a plus qu’à y répondre. Dans une vie sédentaire, tout est déjà réglé, c’est très difficile de remettre en question. 

Merci Nans et Mouts !

 

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