Les questions liées aux enjeux sociétaux, écologiques et environnementaux prennent de plus en plus de place dans nos vies (et c’est tant mieux !). C’est donc tout naturellement qu’elles s’invitent dans le monde aussi impitoyable qu’enivrant du travail. Et la dernière tendance ? Le « conscious quitting » !
Après le « quiet quitting », la démission silencieuse, qui consiste à ne s’en tenir qu’à sa fiche de poste et à n’en faire ni plus, ni moins; ou encore après le « quick quitting » qui pousse à changer le plus souvent de boulot pour ne pas se faire attraper par le bore-out ou le burn-out; ces derniers temps, c’est une nouvelle tendance qui a fait son arrivée sur le devant de la scène du travail : le « conscious quitting ». Mais qu’est-ce que veut dire au juste cet énième anglicisme ? La définition du « conscious quitting », très simple, est la suivante : il s’agit pour un employé de quitter son travail car ce dernier n’est pas ou plus en adéquation avec ses valeurs éthiques, morales ou environnementales. Ou, bien souvent, les trois à la fois ! Un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur si l’on en croit la récente étude du Net Positive Employee Barometer, menée aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les résultats, sortis en ce début d’année 2023, montrent que sur les 4 000 employées interrogés, près de la moitié songeait à démissionner si les valeurs de leur employeur ne coïncidaient pas ou plus avec les leurs.
Mais ce n’est pas tout ! Un tiers des salariés ayant participé à l’enquête déclare avoir déjà dit ciao à son emploi pour ces raisons-là. Bien évidemment, la pandémie mondiale du Covid 19 est venue ajouter son grain de sel dans ce grand chamboulement et à poussé bon nombre d’entre nous dans de profondes réflexions. L’ordre et les échanges mondiaux ont totalement été remis en question, et les problématiques de bien-être au travail et de santé mentale ont elles aussi fait leur apparition sur le devant de la scène. En bref, on ne cherche plus un sens qu’à sa vie, on cherche aussi à présent un sens à son travail…
C’est le cas de Pierre G., 32 ans, qui n’a pas, lui, attendu la crise sanitaire pour tout plaquer. Après un parcours très classique le menant à des classes préparatoires (maths sup, maths spé) puis à une école d’ingénieur spécialisée dans le génie civil, il devient ingénieur méthodes pour la France de Bouygues travaux pendant deux années, avec un salaire très confortable. Puis, une véritable prise de conscience eut lieu : « Au travers de lectures, conférences, interviews, j’ai peu à peu ouvert les yeux, beaucoup réfléchi et tout remis en question. J’ai réalisé que les crises énergétique et climatique qui allaient nous tomber dessus devaient être prises en compte dans la suite de ma carrière, or elles ne constituaient pas une priorité de l’entreprise pour laquelle je travaillais, du coup j’ai démissionné. Je me suis dit que par l’alimentation, il y avait peut-être la possibilité de faire bouger les choses pour amortir ces crises, d’éveiller quelques consciences, d’agir à mon échelle… » Il décide donc de changer de cap et de se lancer dans la folle aventure de l’ouverture d’un magasin bio, avec deux de ses amis; tous deux ayant également abandonné de commodes carrières d’avocat. Les exemples ne manquent pas, et la nouvelle génération risque bien de prendre les devants et de ne pas perdre de temps à s’embourber dans des filières qui ne lui conviennent pas.
L a Banque européenne d’investissement affirme dans un rapport paru fin mars que 67% des Français âgés de 20 à 29 ans considèrent l’impact climatique de leur potentiel futur employeur comme un critère important au moment de faire leur choix. Ce qui n’est pas sans rappeler les déserteurs de l’AgroParisTech qui avaient pas mal fait parler d’eux au printemps dernier. En effet, en avril 2022, durant leur cérémonie de remise de diplômes, un groupe d’étudiants appelait ses camarades à déserter les emplois dans l’agro-industrie et à changer de voie afin de ne pas participer aux « ravages sociaux et écologiques en cours ».
Les patrons peuvent trembler devant l’ampleur qu’a pris ce phénomène ces dernières années, et qui n’est, espérons-le, pas prêt de s’arrêter. Espérons également que le «conscious quitting» qui s’empare des acteurs du monde du travail poussera les entreprises à s’adapter, se transformer, et à s’engager plus concrètement pour l’avenir de la planète.