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Par Tatiana D. - Le 19 avril 2023

La justice restaurative, ou encore appelée justice restauratrice ou réparative, est assez peu connue du grand public, mais elle risque bien de faire parler d’elle dans les temps qui viennent… Et notamment grâce à un film récemment sorti sur les écrans : “Je verrai toujours vos visages”. Alors, de quoi s’agit-il exactement ?

Si depuis quelques années nombreux sont les pays qui tendent à l’adopter, cette forme de justice particulière a en réalité des origines très lointaines, puisqu’elle est inspirée des pratiques ancestrales qu’on retrouve chez les Maoris de Nouvelle-Zélande, chez les Amérindiens ou encore chez certains peuples d’Afrique. Ces derniers réglaient leurs conflits en mettant tout en œuvre pour réintégrer au sein de la communauté celui qui l’avait offensée en commettant une faute.

Copyright Christophe Brachet – 2022 – CHI-FOU-MI PRODUCTIONS – TRESOR FILMS – STUDIOCANAL – FRANCE 3 CINEMA

 

La première tentative de justice restaurative en société occidentale remonte à 1974 dans l’Ontario, où un agent de mise à l’épreuve eut l’idée et l’envie de faire se rencontrer délinquants et victimes dans une affaire de dégradation de biens. C’est exactement en cela que consiste ce concept : restaurer le lien social en faisant dialoguer victimes et auteurs d’infraction, dans un environnement sécurisé et encadré par des médiateurs. Complémentaire de la justice pénale, elle est basée sur le volontariat et n’influe en rien sur la décision judiciaire. Enfin, elle peut avoir lieu durant toutes les étapes de la procédure pénale, sous diverses formes : aussi bien avant, que pendant ou après le procès, et même s’il n’y a pas eu de poursuites engagées.

En France, elle est relativement jeune et en est à ses premières expérimentations. C’est en 2007 que le Conseil National d’Aide aux Victimes instaure pour la première fois un groupe de travail sur la justice restaurative, et c’est en août 2014 qu’elle entre au Code de procédure pénale. Il est fort à parier que la pratique se développera considérablement dans les prochaines décennies, tant le terrain actuel lui est favorable. Le système de justice traditionnel atteint en effet certaines de ses limites et suscite encore et toujours plus d’insatisfaction. Car là où la justice punitive cherche uniquement la peine la plus lourde pour tenter de dissuader le délinquant de perpétrer un crime (sans trop se pencher sur l’efficacité de l’incarcération ou sur les questions de récidive); la justice restaurative cherche, elle, à responsabiliser l’agresseur dans le processus de réparation et à lui faire prendre conscience des dommages qu’il a causés. Un processus qui remet aussi et surtout la victime au centre de tout : se sentant trop souvent délaissée par le système judiciaire traditionnel, et sortant parfois totalement traumatisée de son agression, cette nouvelle mesure pourrait l’aider à trouver le chemin de la guérison émotionnelle. En somme, c’est le dialogue, et à travers lui, plus largement, l’humain, qui sont remis au centre de tout.

Copyright Christophe Brachet – 2022 – CHI-FOU-MI PRODUCTIONS – TRESOR FILMS – STUDIOCANAL – FRANCE 3 CINEMA

 

Cette justice restaurative est d’ailleurs savamment et sobrement mise en avant dans “Je verrai toujours vos visages” de Jeanne Herry, sorti en salles le 29 mars dernier. La réalisatrice, à qui l’on devait déjà le merveilleux “Pupille”, s’empare avec brio de ce sujet complexe dans un film puissant servi par un casting ahurissant de justesse. On y suit Chloé, agressée sexuellement par son frère durant son enfance, faisant appel à une médiatrice pour encadrer la reprise de contact avec ce dernier. Puis, en parallèle, on assiste aux séances de RDV (Rencontres Détenus-Victimes) au sein d’une maison d’arrêt, où se retrouvent chaque semaine trois victimes, de vol à l’arraché, de braquage et de homejacking (cambriolages réalisés en présence des habitants); et trois auteurs d’infractions (les affaires ne sont pas liées mais elles restent très similaires). Entourés d’animateurs professionnels et de bénévoles, ils confrontent leurs parcours de vie et tentent de se reconstruire mutuellement, grâce au pouvoir de la parole.

La pratique étant encore marginale, du fait de sa nouveauté et de son manque de notoriété, il est difficile d’en mesurer réellement les résultats pour le moment. L’enquête national de 2021 menée par l’IFJR (Institut Français de Justice Restaurative) à la demande et avec le soutien du Ministère de la justice, note tout de même qu’il : “est intéressant de constater que malgré le constat selon lequel la justice restaurative est une pratique «à contre-courant» celle-ci suscite autant d’intérêt et d’enthousiasme auprès des participants, des professionnels et intervenants et des bénévoles”.