Cette semaine, on a rencontré Guillermo, photographe autodidacte. Il nous raconte tout ce qui se passe derrière son objectif : ses plus beaux souvenirs, ses sujets les plus marquants, son penchant pour l’argentique et le moment où il a eu le déclic !
Quel est votre parcours ? Comment avez-vous commencé la photo ?
J’ai grandi à Madrid et à Paris, où j’ai fait toute ma scolarité. Ensuite, j’ai suivi un cursus international d’études supérieures de commerce qui m’a amené à retourner à Madrid dont une partie de ma famille est originaire, et à New York, pour enfin revenir à Paris. J’ai commencé la photo adolescent avec l’appareil argentique de mon père (un Asahi Pentax Spotmatic). La photo m’amusait à l’époque car je trouvais les résultats satisfaisants et comme j’ai toujours énormément aimé le cinéma, j’avais une facilité à mettre en scène et à composer mes images grâce à tous les films que j’avais pu voir.
Ça me faisait plaisir de réaliser que finalement, c’était quelque chose d’assez inné… Mais, adolescence faisant, ça m’est finalement vite passé, ça n’a pas été fulgurant ! Je n’y ai vraiment repris goût que plus tard quand je travaillais dans une société de production de reportages photo. Je me suis acheté un petit appareil numérique et j’ai commencé à tout shooter ! Mes amis, ma famille, les voyages surtout… l’Argentine, le Maroc, le Pérou, la Thaïlande, l’Espagne, le Portugal, et la France !
Quel type de photos faites-vous ? Pour quels clients ?
J’ai commencé à en faire mon métier il y a maintenant cinq ou six ans. Je travaille autant sur des shootings de mode, pour la marque The Nines par exemple, que pour des clients plus institutionnels comme l’hôtel George V, mais aussi des restaurants ou des agences évènementielles. Ce que je préfère dans mon travail pro, ce sont les photos d’architecture et de paysages. Cela se ressent également dans mes séries perso.
Au début j’avais sans cesse tendance à vouloir attendre que les gens sortent du champ ! Mais je trouve finalement que quand il y a de l’humain dans ces compositions, cela donne plus d’intérêt à ce type de photo. J’aime aussi beaucoup la photo de rue ! Capturer des scènes saugrenues ou des personnes atypiques mais uniquement si la mise en scène, l’arrière-plan et tout ce qui entoure ces personnages là a un intérêt…
Quelle est votre démarche quand vous prenez en photo votre entourage ou des inconnus ?
Quand je prends en photo mes amis ou leurs enfants par exemple, c’est plus pour leur créer des souvenirs de ces instants partagés. Ce ne sont pas des photos que je garde, elles sont vraiment pour eux. À contrario, quand je fais une photo pour moi, je me demande à chaque fois avant de la prendre si j’ai envie de l’avoir sur mon mur.
Pour les inconnus, s’ils sont le sujet principal de la photo, je n’ai pas encore assez de culot pour pouvoir me rapprocher réellement d’eux. Sauf s’il s’agit d’une photo à la volée, où la personne ne sait pas que je la prends en photo. En plus, ayant un 35mm sur mon appareil argentique, cela ne facilite pas plus l’approche ! Sinon, si la personne s’y prête, je lui demande simplement la permission. Comme la photo de ces dames prise à Montsouris.
Vous êtes plutôt numérique ou argentique ?
Quand tu pars en vacances par exemple et que tu as un appareil numérique, tu prends énormément de photos. Tu mitrailles sans toujours te poser la question de savoir si la photo en vaut vraiment la peine… Ensuite, au moment de la postproduction tu as souvent tendance à perdre du temps à vouloir améliorer une photo moyenne, en imaginant un cadrage ou des couleurs différentes. Je trouve donc que le numérique peut souvent être contre productif à ce niveau là…
Et tu peux aussi plus “tricher” en numérique. Comme par exemple la photo des deux enfants dans la rue, où j’ai retiré leur maman et leur autre frère pour donner plus d’impact à l’image. Mais pour le boulot, le numérique est bien évidemment plus simple et sécuritaire, voire indispensable.
En argentique, les possibilités de retouches sont moindres, à moins bien sûr de scanner les négatifs. Mais ce n’est pas le but je trouve. Jouer plus avec la lumière, la composition lors de la prise de vue et avoir un résultat qui me satisfait entièrement sans avoir besoin d’aller ensuite retoucher la photo…
Avec l’argentique, tu fais plus attention. Tu prends plus ton temps pour cadrer et composer, et tu dois aussi attendre le moment opportun pour déclencher. N’ayant que 24 ou 36 poses, tu ne peux pas te permettre de mitrailler ! Surtout à cause du coût que représente l’argentique. Ensuite, entre le moment où tu commences ta pellicule et où tu vas la faire développer il peut se passer un mois, deux mois, trois mois…
Pendant ce laps de temps, tu oublies que tu as pris certaines photos, ou tu penses en avoir pris quelques unes d’une certaine façon. Tu découvres donc ton travail au moment du développement. C’est cela que je trouve excitant. D’avoir souvent une ou plusieurs bonnes surprises ! En exemple, ces photos que je pensais avoir raté car le chien a bougé une seconde après, et je croyais l’enfant hors du champ au moment du déclenchement. Et où j’ai du attendre deux, trois mois avant de voir les résultats…
Vos souvenirs les plus marquants pour prendre une photo ?
Quand j’étais en Argentine, dans la cordillère des Andes, les paysages étaient tellement impressionnants que je me demandais si ça valait vraiment la peine de les capturer en photo. Le souvenir que j’en aurai serait toujours beaucoup plus marquant que n’importe quelle photo que je pourrais en prendre. À l’inverse, quand j’étais en Thaïlande, j’ai vraiment été déçu par les plages, et je me suis aperçu plus tard qu’elles étaient au final mieux en photo que dans la réalité !
Dans le train entre Bangkok et Ayutthaya, une femme avait son bébé sur les genoux. Mon amie a interagi avec lui et j’ai voulu prendre la scène en photo avec mon appareil argentique. Il fallait que je compose et que shoote au bon moment, sans pour autant que sa mère ne me voit parce qu’elle aurait certainement très mal réagi. Mais je n’aurai pas voulu rater cette occasion ! Quand il y a des enfants c’est toujours délicat, encore plus dans des pays où on ne partage ni la même culture, ni les mêmes codes.
Train Bangkok-Ayutthaya, Thaïlande
À Paris, j’ai pris une fois en photo des SDF à côté de chez moi pendant qu’ils dormaient. Les photos étaient réussies, mais par pudeur ou par respect je ne me suis jamais servi de celles où leurs visages étaient reconnaissables. Pour ce type de sujets, j’essaye toujours d’adoucir la photo par une mise en scène qui va rendre honneur au sujet. Même si c’est un sujet grave, trouver le moyen de valoriser les gens, sauf si il y a une situation comique, mais toujours rester dans le respect du sujet sans le ridiculiser ou le mettre à mal.
Quel rapport entretenez-vous avec vos photos une fois qu’elles ont été prises et tirées ?
Une photographe reconnue m’a dit un jour “qu’il fallait laisser vivre et mourir une photo”… Mais surtout la laisser “mourir”. Une photo fait son temps, elle t’accompagne pendant une période donnée. Les clichés que je prends reflètent des stades de ma vie et des styles différents. Quand j’ai pris des photos en Argentine, j’étais encore assez novice et je voulais pallier le manque d’expérience en technique, en les rendant très fortes visuellement au moment de la post prod. Aujourd’hui, en faisant de l’argentique c’est différent, je suis plus à la recherche d’un résultat naturel, et de ne pas avoir besoin de faire des retouches.
Une photo fait son temps, elle t’accompagne pendant une période donnée. Les clichés que je prends reflètent des stades de ma vie et des styles différents.
Qu’est-ce que vous avez appris en étant autodidacte ?
Quand je travaillais dans la prod photo et que je voyais passer des photos de professionnels, j’étais vraiment admiratif de leur travail. Ils étaient techniques mais aussi avec un style très propre à chacun, très personnel. Je me suis retrouvé dans certaines de ces photos, dans certaines approches de ces photographes. Surtout en ceux qui avaient beaucoup de pudeur. Ça m’a plu, ça m’a donné envie de m’y remettre, et à ce moment là je suis passé au début par des phases où forcément j’avais plus de ratés que de bonnes photos.
Mais plutôt que de laisser tomber, de me décourager, j’ai préféré m’accrocher aux photos que je réussissais, les améliorer et vouloir perfectionner mon regard. Cette capacité à dénicher le plan ou la scène qui ne sautent pas aux yeux, c’est ça qui m’a poussé à vouloir persévérer. Quand j’ai commencé à avoir de bonnes bases grâce au numérique, j’ai voulu me remettre à l’argentique pour passer à un autre stade. Car au final, je trouve que réussir une photo est beaucoup plus gratifiant en argentique qu’en numérique.
J’ai préféré m’accrocher aux photos que je réussissais, les améliorer et vouloir perfectionner mon regard.
Quels sont les trois coins ou adresses que vous recommandez en France ?
Le CentQuatre à Paris : endroit très intéressant pour la photo parce que la lumière y est souvent très bonne, ce qui fait un paramètre en moins dont on doit se soucier. C’est un excellent exercice pour s’entraîner à prendre des gens en mouvement et à réussir en même temps à composer tes photos. Il y a toujours plein de personnes dans le cadre qui font des choses différentes. Je pourrais y passer toute une journée !
Paris aussi en général, parce que c’est une ville magnifique : en architecture et en paysage il y a de quoi faire ! La montagne m’inspire aussi beaucoup. Les paysages de montagne sont toujours impressionnants et difficiles à capturer en partie à cause du contraste de la neige, et de la profondeur de champ. Et la Bretagne ! Je n’ai jamais vu de paysages avec une aussi belle lumière naturelle !
Si vous étiez un fromage français, lequel serait-il ?
Le roquefort, parce que j’adore ça !
Quelle est la dernière photo qui vous a le plus marqué ?
Je visitais un appartement et il y avait une photo, accrochée au mur dans le salon. Elle représentait un hangar désaffecté en noir et blanc avec au sol une femme nue allongée dont on ne voyait pas le visage. Cette photo m’a beaucoup marqué, elle était en somme très simple, mais excellente.
Quels sont les photographes que vous admirez le plus ?
Les photographes dont je serai toujours le plus admiratif, ce sont les grands reporters ! J’admire aussi beaucoup Sebastião Salgado que j’ai encore plus découvert dans son film Le Sel de la Terre. La photo est toute sa vie, il s’y est toujours dédié corps et âme. Heureusement, sa femme était autant impliquée que lui dans ce qu’il faisait. Je pense qu’il a eu la chance d’en vivre pleinement.
Les photographes dont je serai toujours le plus admiratif, ce sont les grands reporters !
Si vous aviez un conseil à donner aux jeunes photographes qui se lancent ?
Ne pas hésiter à shooter tout ce qui bouge au début, à essayer différents styles pour trouver le sien, et à expérimenter !
Crédit photos : © Guillermo ANIEL-QUIROGA
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