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Par Léa Movia - Le 8 octobre 2016

On a eu la chance de rencontrer Guillaume Fédou et Jean-François Tatin, respectivement auteur et auteur-réalisateur de la web série Touche Française  produit par Silex Films et diffusée en ce moment sur Arte Creative. Elle raconte sous forme de mini documentaires la musique électronique française. 12 épisodes, 12 morceaux mythiques, qui nous font groover depuis 1995. 

L’entraide et la camaraderie sont des valeurs très françaises, et on a voulu que ça ressorte dans la série.

Tout d’abord, comment le projet Touche Française est-il né ? 

Guillaume Fédou : Je suis auteur de romans, d’articles et Jean-François est réalisateur et aussi auteur. Le film Eden sur la French Touch l’année dernière a sans doute déclenché un besoin d’en savoir plus sur cette époque. Les gens se sont dit qu’il y avait peut-être quelque chose d’un peu plus intéressant que juste la fête, l’alcool. . . On a voulu revenir sur le contexte, l’histoire de la musique électronique, la house dans les années 90. . .

Jean-François Tatin : Le projet est né de la rencontre entre un désir de notre part et une attente d’Arte Creative. Il y avait une réflexion de notre part tout autour de cette époque, une envie de pouvoir la raconter !

En choisissant un morceau par épisode, l’approche est plus sensorielle et moins indigeste.

Guillaume Fédou : Je pense qu’Arte Creative a senti qu’il y avait comme un cycle. Cela fait 20 ans que cette histoire a “explosé” : on a eu besoin de la revoir. Et nous, c’est nos 20 ans, ce sont aussi nos souvenirs, parce qu’on a tous les deux vécu cette époque.

Le but est de revivre chaque époque en picorant des petits épisodes.

Vous alliez à ces raves ? Ces concerts ? 

J-F T : La série démarre en effet avec ces raves qu’on n’a pas vraiment connu au début des années 90 (à part une ou deux expériences), … moi c’était plutôt les clubs un peu après…

GF : Je détestais les raves, surtout hardcore, mais j’avais des potes à donf, et une voiture…! Du coup j’y allais beaucoup. Il y avait un truc un peu inhumain, en tous cas au début. Etienne de Crécy le raconte très bien : dans les raves, tout le monde danse un peu dans sa tête et tu ne pouvais parler à personne. Et moi j’adore parler donc c’était pas mon trip (rires)

Dans quels types d’endroits avaient lieu ces raves ?

GF : Dans les parkings, les forêts, des endroits pas possibles dans la région parisienne ! C’est devenu beaucoup plus confortable pour nous quand tout ça est entré dans les clubs, là où il y avait plus de house que de techno. Et plus de filles aussi (rires).

J-F T : D’ailleurs, on parle de Motorbass parce que pour nous les racines de la musique électronique sont plus dans le hip hop, les racines noires. . .  plus que de la rave party et la techno, plus froide.

Il y avait une réflexion de notre part tout autour de cette époque, une envie de pouvoir la raconter !

GF :  Tu en avais pour toutes les heures : la techno pure et dure au début puis en after, tu écoutais un truc plus relax, comme de l’ambient.. dans les chill-out par exemple !

Au niveau du format, pourquoi faire des épisodes de 7 min et pas un unique film ?

J-F T : Le format vient d’Arte Creative et pour nous, c’était aussi un défi : avoir des épisodes qui se succèdent mais qui ont aussi une existence propre, qui se suffisent à eux-mêmes. Ils sont courts mais ils racontent tous une épopée : le but est que l’on soit embarqué malgré leur “découpe” et ainsi qu’on puisse revivre chaque époque en picorant des petits épisodes.

On voulait prendre un parti pris dans la musique, dans les images, que l’on soit pas dans THE “grand truc” sur la French Touch.

On a juste voulu raconter une histoire, une période de façon sensitive avec une approche un peu nouvelle

GF : Niveau scénario, on s’est mis d’accord pour une approche pop de cette histoire, pas une approche techno hyper underground. Une approche universelle ! On ne voulait pas imposer un gros pudding (rires). En choisissant un morceau par épisode, l’approche est plus sensorielle et moins indigeste.

Dans les raves, tout le monde danse un peu dans sa tête et tu ne pouvais parler à personne.

Justement, nous avons bien aimé les images d’archives : voir l’évolution de la personne, l’artiste, ce qu’il est devenu et comment il raconte son histoire ! 

J-F T : On souhaitait en effet que ce soit un documentaire. C’était il y a 20 ans, c’est pas très vieux non plus mais on a suffisamment de distance, de recul et on a pu emmagasiner pas mal d’images.

C’est aussi comme ça que l’on retient l’info : quelle époque, quel son, quel artiste ?

GF : Je crois que l’on a vraiment bien raconté l’époque au delà des musiques, d’une part parce que nous l’avons vraiment vécue et parce que nous avons fait ce travail de recherche d’archives.

J-F T: *Le mec s’envoie des fleurs tranquille* (rires)

GF : Non pas du tout (rires) ! Encore une fois je te mets en valeur, j’étais en train de citer le travail d’archives et c’est toi qui l’a fait. . .

Pourquoi avoir choisi Chassol pour la musique de la série ?

J-F T : L’idée c’était de créer à chaque épisode, des ponts : quand on parle de Chassol, le compositeur de la musique pour la série, ce n’est pas un artiste dit “French Touch”, il n’était pas là à l’époque mais l’idée était d’avoir justement un artiste qui n’allait pas nous faire un score électro. Il amène un souffle et un regard extérieur.

La Touche Française c’est faire des choses simples avec beaucoup de culture, de références. . .

Comment avez-vous relié les épisodes entre eux ?

À chaque fois, on a fait des ponts avec des artistes différents : Laurent Garnier avec un groupe de garage, un pianiste classique qui reprend Daft Punk. . . Le but était de sortir du genre et de la niche French Touch qui est tellement réductrice.

Ce que nous avons retenu de la French Touch à travers tous ces épisodes, c’est “l’attitude”. La musique de chacun est différente, mais leur attitude est semblable. Tous les artistes de la French Touch souhaitent se différencier et faire quelque chose de nouveau. Avons-nous vu juste? 

J-F T: C’est exactement ça ! Caractériser la Touche Française c’est compliqué. . . Mais on a assemblé : en mettant bout à bout toutes ces touches, on a pu voir qu’il y a avait des choses qui se répétaient comme le romantisme, l’humour, les racines communes, les influences du cinéma, de la télé des années 80. Sans établir une liste, c’est avec ça que l’on a pu qualifier la Touche Française.

Des histoires de dingues : Coluche, le garagiste de Malakoff, Niagara, Solaar, la Touche française elle est là !

GF : Je suis d’accord avec J-F ! On en essayé de relier les événements comme un puzzle, mais il manque toujours quelques petites pièces, c’est jamais parfait !

Laurent Garnier avec FCOM par exemple avait vraiment l’idée de créer une famille, un mouvement. J’en parlais avec DJ Falcon qui est un proche des Daft Punk, qui m’a raconté qu’à l’époque ils avaient fait le morceau Together et leur vision était de faire le Together Tour et partir tous en tournée. Il y a toujours eu un prétexte pour se réunir. Je trouve ça très français, l’entraide et la camaraderie et on a voulu dégager ces valeurs de la série.

On a voulu revenir sur le contexte, l’histoire de la musique électronique, la house dans les années 90. . .

Qu’est-ce que vous voulez que les gens retiennent ? 

GF: Et bien tout ça, séparer le bon esprit de l’ivraie française ! C’est pas de dire “moi je suis Français et pas toi”, mais d’être accueillant et ouvert !

Et justement, selon vous, retrouve-t-on la Touche Française chez les nouveaux artistes ? Comme La Femme par exemple . . . ?

GF : Oui carrément que ce soit dans l’électro avec Fakear ou dans le rock avec La Femme ! Il y a plein de choses très bien qui se font partout !

J-F T : Ce que je trouve intéressant c’est que l’on retrouve la Touche Française mais pas vraiment consciemment, ce n’est pas revendiqué ! Chez La Femme, c’est l’attitude, encore, qui ressort : dans la façon dont ils se permettent de chanter en français ou en anglais par exemple. Et ça ce n’est pas conscient, car eux-mêmes étaient les premiers surpris qu’on les choisisse pour la série. Mais ils ont tout : la manière de créer leur musique, les boucles, le rêve américain. . . Cette fascination pour la Californie, cet espèce d’eldorado.

On voulait prendre un parti pris dans la musique, dans les images, que l’on soit pas dans THE “grand truc” sur la French Touch.

Alors, qu’est-ce que la Touche Française exactement ?

La Touche Française c’est faire des choses simples avec beaucoup de culture, de références. . . Les Daft Punk par exemple, c’est hyper efficace, basique, un kick très rock mais derrière il y a du disco ! Ce sont des créations ancrées dans l’histoire musicale française.

C’était pas compliqué de ne faire “QUE” 12 épisodes ? Certains vous ont-ils reproché de parler d’un artiste et pas d’un autre ? 

J-F T : Bien sûr, il n’y a rien de plus compliqué que de faire simple. Moi j’ai aucun problème avec le fait d’avoir zappé certaines figures. Guillaume qui est plus humain (rires) ne voulait pas fâcher certains de ses amis, plus délicat ! Ce sont des choix qui ont été faits et c’est ce qui est intéressant : arriver à faire comme Picasso quand il fait 20 fois sa vache. Au départ elle ressemble à une vache et petit à petit à un squelette ! (rires)

On nous a beaucoup reproché d’oublier Phoenix qui est é-norme.

GF : On nous a beaucoup reproché d’oublier Phoenix qui est é-norme. En même temps, on en parle quand même deux fois dans la série. Et parfois, j’aime bien cette présence un peu métabolisée, diluée. Tout comme Mr. Oizo, lui aussi a changé la donne bien sûr.

J-F T : Je crois beaucoup au hors-champ de la série. . . On laisse de l’air.

© Silex Films
Garnier © Silex Films

GF : C’est vrai qu’il fallait que les morceaux soient vraiment bien et surtout, qu’ils induisent des thèmes ! Nous n’avons jamais prétendu être exhaustifs et faire un catalogue de la French Touch, on a juste voulu raconter une histoire, une période de façon sensitive avec une approche un peu nouvelle. Il y en a qui sont passés au travers, forcément !

Le format était un défi : avoir des épisodes qui se succèdent mais qui ont aussi une existence propre, qui se suffisent à eux-mêmes.

Tous les épisodes sont sortis en même temps, n’est-ce pas ? 

J-F T : C’est Arte Creative qui a choisi : tout sortir en même temps et faire des focus sur les épisodes un par un, les jours suivants.

D’ailleurs, vous savez lequel a été le plus regardé ? 

GF : À chaque fois que je parle à quelqu’un qui a regardé quelques épisodes, il a forcément vu l’épisode sur les Daft !

J-F T : Daft, Sébastien Tellier, Air, je pense que ce sont des épisodes qui ont été beaucoup vus ! Motorbass et Garnier aussi. Mais la série fait un carton, elle marche super bien !

GF : Mais c’est parce que c’est bien aussi, c’est du bon travail et bien français ! Fait par des artisans, cousu main (rires).

Je crois beaucoup au hors-champ de la série. . . On laisse de l’air.

D’ailleurs, Guillaume tu es chanteur aussi non ?

J-F T : Oui, Guillaume est chanteur !

On a écouté ton titre “Il n’y a que toi” et on a aussi beaucoup aimé le clip, dans le lit !

GF : Et d’ailleurs c’est JF qui a réalisé ce clip génial dans le lit, ce qui prouve que notre amitié ne date pas d’hier et que nous avons une vision très pop des choses en commun !

Et un projet comme celui de Touche Française, il faut compter combien de temps pour le réaliser ? 

J-F T : On a commencé en juin 2015, nous sommes entrés en production en décembre. C’est un projet qui a l’air simple mais c’est très très compliqué entre le montage, le budget. . .

GF : D’ailleurs, nous étions très contents lorsque nous avons eu DJ Hell à la fin par Skype. C’est marrant parce que c’est quelqu’un qui est moins connu aujourd’hui mais pour nous à l’époque, c’était une star et c’est ça qui est intéressant : voir ce que nos héros de jeunesse sont devenus. . .

À chaque fois que je parle à quelqu’un qui a regardé quelques épisodes, il a forcément regarder les Daft !

J-F T : C’est marrant de voir que c’est pas une famille mais plusieurs petites familles.

GF : Oui, et on nous a raconté plein de choses incroyables, de petites anecdotes mais on ne pouvait pas tout mettre. . . Mais celle-ci, je vous la raconte quand même : “Laurent Garnier voulait acheter la coccinelle rose de Coluche. Du coup, il harcelait le garagiste en face de chez lui. Un jour, le garagiste en a eu marre, il lui a mis une cassette vidéo dans la boite aux lettres pour changer de sujet en disant “Tiens voilà c’est ce que fait mon fils !” et il a regardé la vidéo. Quentin Dupieux, futur M.Oizo qui a donc tourné son premier clip avec Garnier, Flashback.

Ou comme quand Motorbass racontent qu’ils dormaient dans le studio où ils bossaient séparément sur Solaar et Niagara parce qu’ils faisaient leur révolution en cachette !

Des histoires de dingues : Coluche, le garagiste de Malakoff, Niagara, Solaar, la Touche française elle est là ! 

 

Merci à Guillaume Fédou et Jean-François Tatin de nous avoir accordé un peu de leur temps. Et encore bravo pour ce beau projet ! 

Retrouvez tous les épisodes sur Arte Creative ici.
Ecoutez la playlist sur Deezer par là !
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ouche Française, produit par Silex FIlms et Arte France.