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Par Emeric - Le 17 octobre 2014

Nous avons rencontré Julie, jeune entrepreneur de 24 ans qui vient de créer Couvre-Chef, sa marque de bonnets et bandeaux en laine mérinos française. Tous ses produits sont tricotés à la main, en France.

Ce qui se passe aujourd’hui en France dans la création me touche beaucoup.

D’où te vient ton amour pour le tricot ?

Ma grand-mère m’a appris à tricoter quand j’avais 6 ou 8 ans et j’ai toujours continué. C’est quelque chose qui me tient à coeur et qui m’a toujours suivi ! On se moquait souvent de moi car l’hiver, je tricotais comme une petite grand-mère, bien avant que ce soit devenu à la mode ! Aujourd’hui, il y a des ateliers tricots dans les bars et on croise pas mal de gens qui tricotent dans le métro. D’ailleurs, quand je faisais mes études dans une école d’art, j’avais trois heures de train par jour donc je tricotais dans le train !

Le boulochage n’est pas un manque de qualité, c’est un gage de qualité lorsqu’il s’agit de matières 100% laine mérinos.

J’ai passé un bac ES mais le tricot a toujours eu une influence dans mon parcours.

Tu t’es orientée vers des études artistiques spontanément ?

Le bac ES m’a un peu été imposé par mes parents mais une fois que j’ai pu m’en échapper, j’ai fait une école d’Arts Appliqués. J’ai toujours voulu travailler dans la création, mais à l’époque je savais juste pas dans quel domaine exactement.

Au lycée, j’avais pris l’option Arts Plastiques, et je passais tout mon temps sur cette matière. Le bac, je l’ai eu car je suis consciente que les connaissances globales sont importantes. Elles servent à tout le monde et le fait est, que pour monter sa boite et sa marque, c‘est bien d’avoir des bases d’économie, de maths !

Après, j’ai fait LISAA, une école d’Arts Appliqués, spécialisée en mode/design textile. En prépa, la première année, j’ai bidouillé un peu tout. C’est pour beaucoup de personnes l’année la plus épanouissante car on touche à tout, on part dans tous les sens.

Et le tricot t’intéressait déjà ?

J’avais déjà une affinité textile assez forte et en effet le tricot et le motif m’intéressaient particulièrement. J’aimais tout ce qui se rapprochait de la matière, de la création de textile, des jeux de couleurs. En école il faut faire des collections Hiver/ Eté et j’ai décidé de beaucoup travailler le tricot. Dès qu’on arrive un peu à maîtriser une technique l’idée est vraiment de l’approfondir !

Qu’as-tu fait ensuite ?

Je voulais aller dans un pays où ils travaillent très bien le textile. Je suis donc partie trois mois en Inde pour voir tout ce qui est tissage car on n’y a pas trop accès en Europe, en France. Là bas, c’est plus accessible, il y a beaucoup de choix, de possibilités, de techniques.

Je savais aussi que je ne voulais pas monter ma boite dès ma sortie d’école.

L’idée c’était de voir la chaîne du produit de A à Z. Même si j’adore la création, c’est important de comprendre le produit dans sa globalité : savoir d’où il vient, qui le fabrique, dans quelles conditions, quelle est la qualité.

En revenant d’Inde j’étais donc déjà plus armée. Je savais comment se passait une production de A à Z.

Tu avais déjà l’envie de monter ta boite ? Quel âge as-tu ?

J’ai 24 ans. Je savais depuis longtemps que je voulais entreprendre, mais je savais aussi que je ne voulais pas monter ma boite dès ma sortie d’école. Je me suis donnée deux ou trois ans pour apprendre et voir comment ça marchait à droite et à gauche. Il y a beaucoup de personnes qui, en sortant d’école, se sentent pousser des ailes : ça peut être super et en effet ça peut marcher. Mais juste après mes études, je sentais que j’avais encore trop de choses à apprendre. J’avais envie de voir comment ça se passait ailleurs.

Le choix des couleurs et la teinture sont mes parties préférées.

Si je montais quelque chose j’avais besoin que ce soit réfléchi et pour ça il faut connaître les tenants et aboutissants. Je me suis donc lancée en freelance pour pouvoir travailler avec un maximum de personnes et de marques différentes. J’ai bossé chez Jamini et chez Sézane, où j’étais assistante styliste. La-bas je faisais un peu de style, je m’occupais des relations avec les fournisseurs, de l’achat de tissus…

Et aujourd’hui, ça fait 7 ou 8 mois que je travaille pour French Trotters. Je suis assistante de collection et assistante commerciale !

Parle-nous un peu de ta marque, Couvre-Chef.

L’idée a germé il y a un peu plus d’un an. Comme je voulais monter ma boite, je cherchais LE truc que je voulais faire. Il y a tellement de choses qui se montent tout le temps, comment sortir du lot ? Qu’est-ce qu’il faut développer ? Je tricotais régulièrement des bonnets pour des potes l’hiver et cet accessoire m’est venu d’un coup, comme une révélation ! Je me suis dit “c’est ton truc, c’est ça, tu cherches mais c’est sous ton nez depuis toujours !”

J’ai commencé à chercher des fournisseurs. Pour moi, ça avait du sens de faire ça en France car ça va avec les valeurs qu’on m’a enseignées. Ma grand-mère achetait du 100% laine, elle essayait de ne pas acheter des choses mélangées mais misait sur des belles matières de belles qualités, qui durent dans le temps. Je souhaitais proposer des produits essentiels, sans fanfreluches, qui durent plus d’une saison. Des produits qui ont une histoire, qu’on va garder !

Tu as l’air très attachée à la création française…

Oui, ce qui se passe aujourd’hui en France dans la création me touche beaucoup. Aujourd’hui, on ne fabrique plus de tissus et presque plus de laine. Je me suis rendue compte de tout ça et je voulais me battre et faire perdurer ces quelques personnes qui y croient encore !

J’ai grandi à côté de Rambouillet donc je suis naturellement allée voir des bergeries dans ce coin. Ils ont un des derniers élevages de moutons mérinos en France. La qualité n’était pas au rendez-vous donc finalement ce sont des moutons des Hautes-Alpes qui ont remporté ma confiance.

Tu savais que le sourcing allait être aussi compliqué ?

Non je m’en suis vraiment rendue compte quand j’ai commencé à passer deux ou trois coups de fil. Mais je ne me voyais pas rebrousser chemin. Pour moi l’intérêt de ma marque, qui est à échelle humaine, c’est que mes clients sachent d’où viennent les choses. Je me suis accrochée.

Adrien, fondateur de De Rigueur, nous disait justement que les artisans Français qu’il rencontrait étaient parfois surpris de voir des jeunes s’intéresser à la fabrication française…

Oui, la majorité des personnes est surprise. Mais en ce qui concerne ma matière, la laine, il en reste encore en France. Ayant déjà travaillé la laine, je savais qu’il en restait et qu’il y avait des gens qui la travaillaient bien. Ce qui était plutôt compliqué, c’était les réactions aberrantes par rapport aux quantités que je leur demandais. Comme je voulais commencer avec des petites quantités, parfois ils me reprochaient de trop peu leur en demander, parfois beaucoup trop. J’étais un peu perdue sur ce que je devais faire du coup.

Je me suis dit “c’est ton truc, c’est ça, tu cherches mais c’est sous ton nez depuis toujours !”

Pour la teinture aussi ce n’était pas évident ! J’ai acheté la laine brute. Il y a peu d’ateliers de teinture en France aujourd’hui. J’en ai finalement trouvé un dans le Limousin. C’est surtout qu’ils sont tenus par des personnes âgées : par conséquent, c’est difficile de trouver un site ou des forums. Ils se sont arrêtés au Minitel (rires).

Qu’est ce que tu préfères dans le processus de création ?

Le choix de couleurs et la teinture sont mes parties préférées. J’ai fait des recherches de tendances et de couleurs dans l’idée de faire un produit “simple” “épuré”, qui soit un essentiel, mais qui va se renouveler dans chaque collection bien sûr. J’ai donc fait de petites quantités, les produits sont uniques et faits à la main : chaque produit a sa spécificité.

Qui tricote ?

J’ai beaucoup cherché des clubs de tricot à coté de chez moi et j’ai trouvé une association qui s’occupe d’organiser des activités pour personnes âgées qui avait un club de tricot. Je voulais travailler avec des groupes car c’est important de pouvoir avoir des réunions de travail et ne pas avoir une tricoteuse dans chaque coin de France.

Je suis très touchée car les tricoteuses m’ont vraiment dit que c’était épanouissant.

Il y a donc cinq tricoteuses pour Couvre-Chef. Je suis allée les voir toutes les semaines. C’était intense car elles sont vraiment parties des dessins. Ça parait simple mais il faut prévoir les points : ça se mesure, ça se compte, c’est des maths ! Un patronnage en tricot est beaucoup plus compliqué qu’un patronnage en tissu. C’est une question de jauge, d’épaisseur d’aiguille. Ensemble, on a réussi à faire exactement les produits que j’avais imaginés.

Comment ont-elles vécu cette expérience ?

Elles étaient trop motivées. Elles se voyaient une fois par semaine et tricotaient ce qu’elles voulaient. Je suis très touchée car elles m’ont vraiment dit que c’était épanouissant. Elles font vraiment partie de l’aventure Couvre-Chef.

Et pourquoi “Couvre-chef” ?

J’ai trouvé le nom assez rapidement. Ma grand-mère me disait toujours “mets ton couvre chef il fait froid !”. J’aime le côté rétro. Mais rien n’empêche qu’à terme, je développe des gants, écharpes…

L’idée serait de développer deux gammes. Je souhaiterais conserver une gamme faite à la main mais en créer une autre plus abordable puisqu’il y a encore des fabricants machines en France qui font du tricotage notamment en Bretagne.

Comment lave-t-on les produits Couvre-Chef ?

On les lave à la main. La laine, ça se lave à la main et ça se sèche à plat pour ne pas qu’elle se détende. Le boulochage n’est pas un manque de qualité, c’est un gage de qualité lorsqu’il s’agit de produits 100% laine mérinos. Il n’y aucun mélange, c’est une laine très artisanale. Le boulochage traduit la présence de fibres plus petites dans la laine. Si ça bouloche, il faut raser son produit avec une lame neuve. Ça ne l’abime pas. Au fur et à mesure, les petites fibres partent et à la fin, il ne reste que les grandes fibres donc ça ne bouge plus ! Magique !

Mes produits sont imparfaits, il ne sont pas lisses. Ils sont irréguliers mais c’est ce qui fait leur caractère !

Julie-Couvre-Chef

Merci Julie !

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