En 1975, Christian Louboutin fait un saut au musée des Arts Africains et Océaniens qu’il aime tant pour son exotisme. Au cours de sa visite, il tombe nez à nez avec un panneau qui changera sa vie : un idéogramme d’une chaussure à talon, barré avec une croix rouge pour ne pas que cette dernière abime le parquet. Surpris, Christian grave cette image dans son esprit. Il n’avait jamais vu de souliers aussi féminins de sa vie. Les années 70 ne les avaient jamais mis en valeur. En grandissant, il croque un nombre incalculables de versions de chaussures à talons : il veut dessiner ce qui n’existe pas. Il ne cesse de crayonner, gribouiller, griffonner les chaussures qui incarnent la femme, personnage qu’il vénère. Passionné de Music Hall, on le croise régulièrement aux Folies Bergères et le déclic nait dans un univers 100% féminin, où d’après lui, les femmes se révèlent complètement : il veut créer des chaussures pour les danseuses et ainsi rendre compte de leur hyperféminité. Il affirme qu’il veut sublimer l’allure des femmes de façon générale : « dans chaque femme, il y a un peu de danseuse ». Ce futur designer est fasciné de voir à quel point les silhouettes se redessinent grâce au talon aiguille et à la forme, le tout qu’il nomme visage, de la chaussure. Et bim. Quelques années plus tard, une boutique ouvre à Paris, puis aux Etats-Unis. L’histoire est lancée. Lors de la fabrication de sa deuxième série en 1992 – une série qu’il voulait être inspirée d’Andy Warol, du pop art – il trouvera sa marque de fabrique : le rouge. En effet, lors de la confection d’une chaussure, quelque chose cloche car elle ne correspond pas exactement au dessin alors que tout a parfaitement été reproduit. C’est tout simplement parce que la semelle sur le dessin n’est pas noire. C’est cette masse foncée derrière la chaussure qui devient le problème et qu’il finira par bénir. Il pique le vernis Rouge Chanel de Sarah son assistante, et le tour est joué. La semelle rouge devient source de drague entre les hommes et les femmes, source de questionnement pour ceux qui l’aperçoivent fouler les rues. Ce sont les escarpins Pigale noir de 12 centimètres qui deviendront très rapidement son grand classique. Tout comme beaucoup de marques présentes sur LesPetitsFrenchies, à 27 ans, il créait son entreprise. Quelques années plus tard, il est devenu grand. Aujourd’hui, il fabrique des chaussures pour hommes, des baskets et des sacs. Qui sait ? Peut être que Someone Shoes, DUTT, Twins For Peace… deviendront aussi grands. Ce qu’il faut, c’est la passion. Et le déclic. Clic. Philippine S. Photo : ©theselby